Introduction
Dans le but d’améliorer ses conditions de vie, l’homme s’est depuis un certain temps acharné à l’exploitation de la nature. Par la recherche fondamentale et appliquée, il trouve des moyens pour exploiter la nature en vue de subvenir à ses besoins ou pour atteindre le but qu’il s’est fixé. C’est ainsi qu’il procède par des inventions scientifiques qui lui rendent la vie plus facile. Mais il est fort de remarquer que ces inventions sont mal mises en pratique et cela aboutit à la dégradation de la nature. Toute l’action de l’homme repose sur la nature. Celle-ci devient la cible privilégiée de l’homme qui la transforme, la déforme, l’agresse et la blesse à ses risques et périls. La nature sera par conséquent menacée et se dégradera de jour en jour, suite à l’exploitation excessive d’origine anthropologique qu’elle subit. Ces conséquences retombent sur l’homme lui-même. Ce phénomène nécessite des remèdes en vue de réaffirmer le bien être de l’homme. C’est ce qui a amené plusieurs philosophes à mener des réflexions écologiques. Parmi ces philosophes, on peut citer le Québécois André Beauchamp.
Né en 1938, André Beauchamp est théologien et environnementaliste, prêtre du diocèse de Montréal. Actif sur les questions écologiques depuis 1978, il a été secrétaire général du Ministère de l'environnement Québec. Il fut président du bureau d'audiences publiques sur l'environnement de 1983 à 1987 et consultant en environnement (Enviro-Sage, 1990-2005). Il a présidé la Commission sur la gestion de l'eau au Québec de 1999 à 2000 et a été le premier président de la Commission de l'éthique de la science et de la technologie de 2001 à 2005. On lui doit une bonne trentaine de publications des questions environnementales et en théologie, dont Introduction à l'éthique de l'environnement parus pour la première fois aux éditions Paulines en 1993, Gérer le risque, vaincre la peur aux éditions Bellarmin en 1996, De la Terre et des humains (l'Essentiel : 1996), Devant la création (Fides : 1997), Environnement et Eglise (Fides, 2008), Hymnes à la beauté du monde (Novalis, 2012), Regards critiques sur la consommation: Pour une conversion écologique(Novalis, 2012).
Notre travail portera spécialement sur son ouvrage intitulé Introduction à l’éthique de l’environnement. Dans cet ouvrage André Beauchamp diagnostique les causes de la crise écologique que connaît le monde contemporain et propose des solutions éthiques pour remédier à cette crise. Notre travail consistera donc à présenter de manière synthétique l’essentiel du contenu dudit ouvrage.
I. La crise écologique
I.1. Les causes de la crise écologique
Au premier chapitre de son ouvrage, André Beauchamp souligne les origines de la crise écologique que connaît le monde contemporain. En effet, on note une origine artificielle, issue de la révolution technologique qui a vu le jour au début du XIXème siècle et une origine naturelle issue des phénomènes naturels tels que les éruptions volcaniques, inondations, sécheresse, tremblement de terre, … Cette dernière origine a contribué à la disparition de plusieurs espèces animales sur le globe terrestre et a aussi engendré des changements climatiques qui affectent ainsi négativement les êtres humains. Mais les causes qui sont devenues alarmantes sont elles issues de la révolution technologique.
I.2. Les conséquences de la révolution industrielle
En plus des conséquences issues des catastrophes naturelles, on note également des désastres issus de l’action anthropologique : la surpopulation, la surexploitation des terrains, les feux de brousse tardifs, les guerres, les troubles sociaux. Ces dernières peuvent conduire à la disparition d’une ville ou d’une civilisation entière. Ceci est le fruit de la révolution industrielle. Or selon notre auteur, cette révolution, dès son origine, n’avait pas pour finalité de troubler les rapports de l’être humain avec la nature, mais plutôt le point de départ d’un nouvel état d’esprit qui était supposé améliorer la condition de l’homme. Beauchamp (1993) l’affirme en ces termes :
Cette révolution a pris sa source dans un essor rapide et presque anomique de la science et de la technique qui ont rendu possible l’explosion de la population et la consommation de masse. Or, à l’analyse, cette révolution industrielle n’a pas pris racine seulement dans les découvertes et des connaissances nouvelles. Elle a originé d’un nouvel état d’esprit. Elle a eu comme condition un bouleversement profond de la manière de penser et d’exprimer le rapport de l’être humain à la nature. (p. 26).
De nos jours, la nature est malmenée suite à la révolution industrielle. Les espoirs escomptés de cette révolution se sont transformés en une rupture des relations de l’homme avec la nature. Ainsi, la considération de la nature dans les époques précédentes est désaltérée. La nature a perdu sa valeur. C’est à juste titre que Beauchamp (1993) affirme que « la nature, autrefois représentée comme une déesse généreuse qu’on vénérait, devient une femme que l’on viole et domine, ou encore une femme qui se dénude et se livre à la science. » (p. 28). Sur la question de la désaltération de la nature, les avis sont partagés. Hans Jonas (1995) par exemple a démontré que toute l’action de l’homme repose sur la nature et cela conduit à sa vulnérabilité. Or, bien avant le siècle des Lumières, dans l’Antiquité et au Moyen-âge par exemple, « les interventions de l’homme dans la nature, tel que lui-même les voyait, étaient essentiellement de nature superficielles et sans pouvoir d’en perturber l’équilibre. » (p. 24). Il faut donc observer une transformation de l'agir humain suite au progrès technologique. Edmund Husserl (1976) pour sa part, montre que la science qui, au départ était destinée à l’amélioration des moyens de production, est devenue une source d’hostilité. Ainsi affirme-t-il : « de simple science de fait forme une simple humanité de fait. [La science] est devenue peu à peu dans les jeunes générations une sorte de sentiment d’hostilités. » (p. 10). Pour Francis Fukuyama (2002), le monde perd son originalité suite au phénomène de la révolution scientifique. Le monde vital est perverti par l’action humaine. De ce fait, il affirme qu’« il y a autant de distance entre deux catégories consécutives qu’entre l’homme et l’animal. Leur monde est devenu « non-naturel » au sens le plus profond que l’on puisse imagine, puisque la nature humaine a été altérée. » (p. 23). Le Pape François (2015) dira de ce phénomène que « la terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage en un immense dépotoir. » (p. 26). La pollution de l’air et des océans sont les conséquences néfastes de l’agir humain. Les gaz à effet de serre dégagés par les moyens de transport entrent dans l’atmosphère puis se mêlent à l’oxygène qui constitue l’air vital et deviennent un danger pour l’organisme. Ainsi, étant donné que l’agir humain s’est transformé, il importe aussi un changement de la réflexion et de la moralité.
II. Bref historique de la réflexion écologiste
II.1. Descartes et Bacon
André Beauchamp poursuit son ouvrage avec une histoire de la pensée écologique. Il nomme à cet effet René Descartes et Francis Bacon qu’il considère comme unes des figures emblématiques et fondatrices de la pensée écologique moderne. En effet, la pensée baconienne soulignait les limites de l’intelligence humaine face à l’évolution scientifique. Il fallait en plus de l’intelligence humaine une méthode pour pouvoir parvenir à la maîtrise des découvertes scientifiques. A ce propos, « en formulant une méthode scientifique et en faisant de la science le moyen d’une mainmise efficace sur la nature, Francis Bacon ouvrait une des portes qui conduisent à la modernité. » (Beauchamp A., 1993, p. 30). René Descartes pour sa part, établissait le rapport de l’homme avec la nature et montrait par là la domination de l’homme sur la nature. D’où son célèbre affirmation « la science rendra l’homme comme maître et possesseur de la nature » (Descartes, R., 1956, p. 66). Ainsi, Descartes et Bacon, « l’un et l’autre, par des chemins différents, ont justifié et instauré un rapport utilitaire au monde extérieur, à la nature, à l’animal. Ils ont exalté la puissance humaine. » (Beauchamp, 1993, p. 31). Ces deux figures marquent la sortie triomphante du monde des ténèbres du moyen-âge. Cette sortie du moyen-âge donnera naissance à d’autres courants de pensée sur le plan théologique, philosophique et éthique. De ce fait, l’on pourra trouver des thèmes comme : « les mouvements de droits en particulier les droits des animaux, la question de la valeur intrinsèque de la nature, le bio-centrisme, l’éco-féminisme, la liberté de la nature. » (Beauchamp, 1993, p. 33).
Ces mouvements avaient pour objectif d’assainir les rapports de l’homme avec la nature, de réaffirmer les droits et la liberté de tout un chacun : le droit et la liberté des animaux, les droit et la liberté de l’environnement et de l’homme lui-même. L’homme entretient des rapports indissociables avec la nature en ce sens, non seulement qu’il vit dans la nature, mais aussi qu’il vit de la nature. De ce point de vue Beauchamp (1993) estime que « le rapport de l’un à l’autre est dialectique et aucun des deux ne peut ni ne doit être sacrifié. » (p. 41). La naissance de ces courants constitue le point de départ des réflexions sur les problèmes écologiques qui minent le monde contemporain à en croire notre auteur.
II.2. Solutions éthique aux problèmes écologiques
La crise écologique sera-t-elle résolue dans sa totalité ? C’est cette problématique qui préoccupe notre auteur à partir du troisième chapitre de son ouvrage. En effet selon Beauchamp (1993), « nous ne réglerons jamais la crise écologique. [Car] il ne s’agit pas d’une crise passagère que nous pouvions résoudre en deux générations, le temps d’un ajustement technique et industriel. » (p. 55). On comprend à partir de cette thèse de l’auteur qu’il est quasiment impossible d’éradiquer la crise écologique en totalité d’autant plus que la révolution technologique a envahi le monde et est en perpétuelle évolution. L’homme d’aujourd’hui a tout à sa disposition et continue d’innover dans l’intention d’assurer toujours sa survie. L’évolution technologique est devenue inhérente à la nature humaine. Et c’est justement cette capacité d’innover qui entraine et augmente la crise écologique. Cette situation doit nous conduire à une question fondamentale : « celle de notre responsabilité personnelle et collective. » (p. 53).
L’éthique, en tant qu’un ensemble de principes de bonnes conduites s’est souciée très peu des questions écologiques. On rencontre des lois ou des règles morales portant sur les relations de l’homme avec ses semblables et avec Dieu comme nous pouvons le constater dans le décalogue attribué à Moïse. Ce décalogue ou « les tables de la loi » ne prennent pas en compte les relations de l’homme avec la nature selon notre auteur. Cela exclut donc la responsabilité de l’homme envers la nature entendue comme milieu de vie ; celle-ci ne se présentait pas à l’homme comme objet de responsabilité, mais plutôt comme un moyen pour satisfaire ses besoins. Pour ce faire, Beauchamp (1993) estime qu’ « il faut certainement conférer des droits à la nature et élargir notre considération morale. En ce sens, nous devons élaborer une troisième table qui détermine nos devoirs à l’égard de la nature. » (p. 54). Ainsi, l’éthique de la troisième table doit avoir un caractère anthropocentrique, une éthique qui doit s’intéresser à la culture, celle-ci étant le moyen par lequel l’homme parvient à maîtriser la nature. De ce point de vue, « une éthique globale de l’environnement cherchera à maintenir le lien dynamique entre la nature et la culture, entre l’être humain et le milieu écologique. » (p. 55). Ce rapport est un rapport dialectique c’est-à-dire fait de contradictions.
La troisième table de la loi que propose André Beauchamp (1993) comporte six commandements fondamentaux susceptibles de réduire la crise écologique et ce, invitant ainsi à la responsabilité collective et individuelle. Ainsi on a :
1- Tu développeras une conscience vive de ton appartenance à la terre et des liens étroits qui existent et doivent être entretenus entre l’espèce humaine et l’écosystème, en particulier à l’égard des espèces vivantes ; 2- tu seras responsable de la sauvegarde des espèces vivantes. En cas de conflits entre le bien de ton espèce et le bien des autres espèces, tu seras guidé par le bien des pauvres et non par l’ambition des riches ; 3- tu n’useras pas de cruauté envers les animaux ; 4- tu restreindras ta consommation ; 5- tu réduiras la production de tes déchets ; 6- tu seras responsable de la pollution de la société où tu vis. (pp. 66-85).
Au regard de cette troisième table, on remarque que selon Beauchamp, le défi éthique et la responsabilité consistent en la modération et en l’autorégulation de la consommation abusive. L’observation de ces commandements doit conduire au développement durable : l’écodéveloppement. En effet, l’écodéveloppement a été défini par la commission Brundtland[1] « comme un développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. » (p. 96). Le développement durable consiste donc, à en croire André Beauchamp (1993), en la satisfaction des besoins des générations présentes et ceux des générations futures. Ce projet doit à ce propos respecter les principes de justice et d’équité. La gestion de la terre doit être basée sur ces principes pour que tout le monde puisse en profiter, étant donné que la terre est un bien commun à tous les hommes. La terre est un bien mis à la disposition de l’homme pour son bien-être. Pour ce faire, tout ce qu’elle regorge doit être réparti équitablement. A cet effet, Beauchamp en bon fidèle catholique, se refaire à un des principes majeurs de la doctrine sociale de l’église catholique à savoir la destination universelle des biens. Selon ce principe, les biens de la terre sont destinés à tous les hommes sans distinction et doivent être partagés équitablement. Le concile Vatican II réaffirme honorablement ce principe en ces termes : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon les règles de justice, inséparables à la charité. […] .» Ce principe de la doctrine sociale de l’église est bien adapté pour l’écodéveloppement.
III. Approches critique de la pensée d’André Beauchamp
André Beauchamp a eu le mérite de nous exposer les causes, les conséquences de la crise écologique et les solutions éthiques à cette crise. C’est une problématique qui a préoccupé plusieurs philosophes contemporains dont le philosophe juif-allemand Hans Jonas (1995). Face à la crise écologique actuelle, Hans Jonas estime que nous sommes en danger permanent d’autodestruction, si rien n’est fait. De ce fait, il préconise une éthique de la responsabilité basée sur le principe de préservation ou de conservation et d’autolimitation. L’éthique de la responsabilité que préconise Hans Jonas (1995) est essentiellement une responsabilité qui a un regard tourné vers le futur. De ce fait, il suppose la constitution d’ « une science des prédictions hypothétiques, une futurologie comparative » (p. 65) susceptible de susciter une prise de conscience des conséquences de notre agir. La futurologie de Jonas consiste à prédire la portée à long terme de l’agir humain. Son éthique consiste en une prise de conscience des hommes dans leur agir en vue de la préservation de la nature, non seulement pour les générations présentes, mais aussi et surtout pour les futures générations, ce que préconise aussi André Beauchamp. C’est dans cette perspective que nous pouvons comprendre le titre qu’il donne à son ouvrage : Pour une éthique du futur. Il s’agit d’« une éthique d’aujourd’hui qui se soucie de l’avenir et entend le protéger pour nos descendants des conséquences de notre action présente » (Jonas H., 1998, p. 69) ; cette éthique est une interpellation pour notre monde bouleversé par la mauvaise utilisation des techniques modernes. Le principe de la responsabilité que préconise Hans Jonas (1995) se résume en la maxime suivante : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre. [Ou encore] inclus dans ton choix actuel l’intégrité future de l’homme comme objet secondaire de ton vouloir. » (p. 40). Ce principe s’apparente à la troisième table de la loi proposée par André Beauchamp et peut se comprendre comme une interdiction à l'homme d'entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger l'existence de l’homme sur terre et l’existence des générations futures. C'est pourquoi, avant d'utiliser une technique, l’homme devrait toujours s'assurer que toute éventualité apocalyptique soit exclue. Par cette prescription, Jonas exige une connaissance préalable à l'agir. Parmi les prévisions, il faut toujours accorder la préférence à la prévision pessimiste. C'est là l'humilité de la sagesse technologique selon le philosophe. Cependant, l’on peut se poser la question de savoir si l’instauration d’une troisième table de lois est assez suffisante pour éradiquer cette crise écologique.
D’une part, la problématique abordée par André Beauchamp dans son ouvrage n’est pas une problématique nouvelle. Elle a aussi préoccupé bien d’autres auteurs. En effet, dans son ouvrage intitulé La fin de l’homme publié en 2002, Francis Fukuyama s’intéresse spécialement aux conséquences de la révolution biotechnique. Il propose une solution assez radicale selon laquelle face aux conséquences de la biotechnique qui menacent le monde, « nous devons utiliser le pouvoir de l’État pour la réglementer […] afin que la technologie reste la servante de l’homme et ne devienne pas sa maîtresse. » (p. 29). Cela voudrait qu’en plus des lois instaurées, il faut utiliser la force de l’Etat pour se rassurer du respect de ces lois. Une chose est d’instaurer des lois mais une autre est de l’appliquer et de l’appliquer bien.
D’autre part, nous pouvons dire que le dialogue est aussi important quand il convient de réfléchir sur les problèmes environnementaux. C’est ce qui préoccupe le philosophe allemand Karl Otto-Apel dans son ouvrage intitulé Discussion et responsabilité publié en 1998. Dans cet ouvrage, Karl-Otto Appel (1998) souhaite ouvrir un dialogue entre l’éthique de la discussion et l’éthique de la responsabilité. (pp. 09-13). Ainsi, l’on peut se poser la question : dans quelle mesure le principe de modération et de l’autorégulation de la consommation abusive que préconise André Beauchamppourrait résoudre la crise actuelle sans mettre fin au progrès qui semble inhérent à la nature humaine ? Sur ce point, un dialogue entre Ethique et Sciences techniques s’avère nécessaire. La science semble aller trop loin et elle a besoin d’une véritable réflexion éthique. On aboutit ainsi à l’affirmation de François Rabelais (1992) selon laquelle « science sans conscience n’est que ruine de l’âme » (p. 32) pour signifier que la science doit être soumise à la moralité pour éviter le débordement. Une science ou mieux un progrès qui ne peut pas considérer la portée et les conséquences de ses actions est au service de la mort. Trouver un équilibre entre le progrès inhérent à la nature humaine et les nouveaux défis que posent les développements scientifiques : tel pourra être l’objet du dialogue entre l’éthique et les sciences techniques.
Conclusion
Nous avons présenté de manière synthétique l’ouvrage intitulé Introduction à l’éthique environnementale d’André Beauchamp. En effet, il ressort de notre présentation que selon André Beauchamp (1993) la crise écologique a des origines profondes et ce, dans l’histoire de l’humanité. Il affirme : « la crise actuelle de l’environnement ne peut être simplement appelée un échec. Je n’ai aucune nostalgie du pléistocène. […] La crise marque la limite d’une trop grande réussite. […] La crise de l’environnement est principalement une crise du développement. » (p. 207). Se référant à l’évolution de l’homme, Beauchamp (1993) estime que la crise environnementale prend ses sources du pléistocène : de l’apparition de l’Homme jusqu’à nos jours, l’époque où l’homme a eu l’idée d’améliorer sa condition de vie. De ce point de la crise ne devrait pas être considérée comme un échec du projet de l’homme, mais plutôt comme un excès, donc les limites d’un énorme succès. L’homme est parvenu à se procurer ce dont il a besoin jusqu’à dépasser les limites. Pour ce faire, les êtres humains doivent revoir les types de relations qui sont impliquées dans l’existence humaine : « la relation avec la nature ou le milieu naturel. Les relations avec les autres humains, soi-même d’abord et les autres. Les relations avec Dieu. » (p. 207). Ces trois types de relations nous permettront de considérer la nature comme objet de responsabilité en vue du bien-être de tous. Cela nous conduit à l’ « idée du contrat naturel » (p. 209) qui a en son sein les six commandements de la troisième table, fondatrice de l’éthique environnementale de Beauchamp. Pour y parvenir, les hommes doivent observer les principes de justice et d’équité dans la gestion de la terre. La troisième table qui prône la modération et l’autorégulation de la consommation abusive constitue la solution éthique que propose André Beauchamp dans la perspective de diminuer la crise écologique de notre monde actuel. Par ailleurs, Beauchamp (1993) soutient que « la fragilité de l’éthique est que chacun peut l’enfreindre. » (p. 211). Cependant, l’on est en droit de se demander : allons-nous regarder le monde s’effondrer à cause de la fragilité de l’éthique ? André Beauchamp ne dit rien à ce propos.
C’est dans cette optique que nous avons évoqué des autres qui ont des avis concrets. Ainsi, selon Karl-Otto Apel, il faut instaurer un dialogue entre l’éthique de la responsabilité et l’éthique de la discussion afin que la morale soit au chœur de la mise en pratique des nouveautés de la science. Francis Fukuyama pour sa part estime qu’il faut utiliser le pouvoir de l’Etat pour s’assurer du respect des lois (les lois de la troisième table par exemple).
En effet, il est important de prendre des mesures adéquates afin de pallier à la crise écologique de notre monde actuel. Pour ce faire, les lois instaurées doivent être suivies afin de s’assurer de leur mise en pratique par les hommes. De ce point de vue, la terre étant un bien commun, nous pouvons dire que l’hypothèse de l’Etat fort que propose Dieudonné Otékpo (2019) peut être appliquée dans le domaine de l’éthique environnementale. Car, « l’état fort est cet Etat dans lequel tout est régi par la loi et nul, même le chef de l’Etat, n’échappe au pouvoir de la loi. » (p. 200). Ce faisant, l’on peut s’attendre à un environnement sein et vivable.
Rédigé par Zachari Yao BONOU,
Master 1 Philo (ISPSH-DB).
[1] Brundtland est le nom de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED). Cette commission doit son nom ̏ Brundtland ̋ de sa présidente norvégienne Gro Harlem Brundtland qui a présidé la commission en 1987.