Introduction
De toutes les composantes de la Nature, l’homme apparait comme l’espèce la plus complexe et la plus supérieure. Sa supériorité tient de la faculté de l’intelligence qui, de fait, est la marque de sa spécificité. Comme le définit Howard Gardner, l’intelligence est « une capacité ou un ensemble d’aptitudes qui permet à une personne de résoudre des problèmes ou de concevoir des produits qui sont importants dans un certain contexte culturel ». Autrement dit, l’intelligence est un outil qui permet à l’homme d’orienter ces décisions et ses actions par rapport aux situations qui se présentent à lui. Au regard de la diversité et de la complexité des problèmes auxquels l’être humain est confrontés et de sa capacité à les résoudre, Howard soutient qu’il y a plusieurs types d’intelligence qui se manifestent selon les personnes. Ainsi parlons-nous d’intelligence multiple en vertu de l’usage qu’on en fait dans le milieu linguistique, logico-mathématique, spatial, entra-personnel, interpersonnel, etc.
Vue l’intérêt que nous avons pour la vie sociale de l’homme, une réflexion sur l’intelligence interpersonnelle vécue dans notre vie communautaire en tant que famille lavigerienne s’avère importante pour comprendre les implications de nos relations. Il s’agira d’abord, de comprendre ce que signifie l’intelligence interpersonnelle et ensuite, de décrire comment elle est vécue dans notre vie communautaire.
1. Les caractéristiques de l’intelligence interpersonnelle
L’intelligence interpersonnelle est une composante de l’intelligence multiple dont la spécificité est de rendre l’homme capable d’entrer en contact avec l’autre et de nourrir avec lui une relation permanente. Partant du fait que l’intelligence est une faculté de l’homme qui lui permet de saisir et comprendre tout objet extérieur à lui, elle devient, dans la dimension interpersonnelle, le nerf de toute communication. Elle donne à l’homme la capacité de comprendre les autres et de se faire comprendre, de saisir les préoccupations des autres et d’agir en conséquence. Á la base donc de toute vie familiale, associative ou communautaire se trouve l’intelligence interpersonnelle. Car sans compréhension mutuelle, il ne peut avoir de communication et sans communication il ne peut avoir de société.
L’intelligence interpersonnelle est inhérente à tout homme sans exception car celui-ci est naturellement un être social. Cependant, elle se manifeste à des degrés différents d’une personne à une autre selon les situations et les personnalités. Plus une personne vit une situation relationnelle, plus il doit faire preuve d’intelligence interpersonnelle. Ainsi trouvons-nous la nécessité de travailler à la développer selon les défis qui se présentent à soi. Pour notre communauté lavigérienne, il y a un défi à relever ; celui de bâtir une famille dans l’idéal de l’unité, de l’amour, de la joie et du témoignage de vie. Pour relever ce défi, nous trouvons nécessaire de mettre à profit l’intelligence interpersonnelle à travers différents activités communautaires.
2. L’intelligence interpersonnelle dans expérience de vie communautaire
La vie communautaire à la maison Lavigerie est vécue autour de bon nombres activités à travers lesquelles nous développons et expérimentons l’intelligence interpersonnelle. Au nombre de ces activités quotidiennes se trouvent les prières (la liturgie des heures et la liturgie de l’Eucharistie), les repas, le sport, le travail manuel, l’apostolat, les études. C’est activités exigent de la part de chaque membre de la communauté un effort de faire preuve d’intelligence interpersonnelle. Dans la vie de prière, l’intelligence interpersonnelle n’est pas assez manifeste mais elle est le lieu où nous évaluons personnellement notre progrès quant au niveau de nos relations interpersonnelles. Ainsi, nous rendons non seulement grâce au Seigneur quand nos relations demeurent dans l’idéal familial, mais aussi nous lui demandons pardon et implorons sa grâce quand nous remarquons que ces relations chancellent. La méditation est spécifiquement un moment de prière où nous apprenons à vivre une relation avec nous-mêmes et avec Dieu. C’est d’ailleurs le fondement de toute relation interpersonnelle. Dirions-nous donc que la prière, dans sa dimension communautaire comme individuelle, est pour nous le lieu où nous développons notre intelligence interpersonnelle.
Au cours des repas, la nourriture n’est pas d’une importance primordiale même si elle contribue à notre bien-être physique. Elle est symbolique de partage et de moment de fraternisation. Au repas communautaire, nous sommes appelés à être ouvert les uns envers les autres dans un élan de causerie sur tout sujet dans le but d’égayer. Ici, à travers l’intelligence interpersonnelle, se vit la valeur de la joie.
Parlant du sport, notamment du football, l’intelligence interpersonnelle se manifeste dans l’esprit de coopération. De fait, dans les matchs de football, nous avons deux équipes adverses composées chacune de onze joueurs. Chaque équipe a pour objectif de remporter la victoire par la mise en but de la balle. Pour cela, les joueurs se prédisposent à coopérer avec leur coéquipier selon le rôle qu’exige le poste de chacun. La coopération en football consiste à se passer la balle d’une façon stratégique en vue de progresser vers les buts de l’équipe adverse.On peut donc dire que le sport est une activité qui demande beaucoup plus la mise en pratique de l’intelligence interpersonnelle. Il faut par exemple être capable de jouer avec les autres et de viser avec eux le même objectif au cours d’une compétition sportive. Aussi faut-il mentionner que le sport est non seulement un exercice physique mais aussi un exercice psycho-social, c’est-à-dire, une formation pour le développement des valeurs telles que l’empathie, l’acceptation des échecs dans un esprit de tolérance, et l’engagement de soi.
Pour le travail manuel, il faut tout comme le sport la coopération. Mais ici, il s’agit plus d’une coopération dans l’échange des idées et dans l’apport de main d’œuvre pour l’accomplissement d’une tâche. Lorsque, dans le groupe, certains manifestent des manques d’engouement, d’autres plus dévoués les encouragent. Nous apprenons aussi à tolérer le manque d’habileté et les imperfections dans le travail des uns et des autres.
Quant aux études, elles se présentent à nous comme des occasions où nous expérimentons l’intelligence interpersonnelle. En effet, sachant que nous n’avons pas tous la même capacité de comprendre les cours et de traiter les devoir, nous créons des espaces de rencontre entre nous étudiants afin de nous entraider. Par exemple, à l’approche des examens, chaque promotion se réunit afin d’étudier les cours en partageant les uns envers les autres les connaissances acquises. Certains cours comme la Pastorale sanitaire, la catéchèse et la connaissance de soi, sont des supports théoriques qui nous aident à mieux exercer notre intelligence interpersonnelle dans les milieux d’apostolat.
Parlant justement de l’apostolat, nous apprenons à faire l’expérience d’une relation fraternelle avec ceux vers qui nous sommes envoyés. C’est le lieu où se vit réellement l’exhortation apostolique du Pape François par rapport à la pastorale ; il s’agit de respirer l’odeur des brebis. C’est un message qui nous invite à être plus proches des personnes qui souffrent et qui ont besoin de réconfort. Cette proximité exige de la part de tout pasteur, une intelligence interpersonnelle au coefficient assez élevé. Plus nous sommes proches plus nous devons faire usage de notre capacité à entretenir les relations dans un esprit d’amour, de solidarité et de joie.
Conclusion
Au terme de cette réflexion, nous nous rendons compte d’une communauté dynamique qui en son sein, développe et vit l’intelligence interpersonnelle. En tant que communauté religieuse, la vie de prière individuelle comme communautaire est pour nous le fondement de toutes nos relation. Il existe d’autres activités que nous menons dans la communauté dans lesquelles l’intelligence interpersonnelle trouve son importance ; ce sont les soirées récréatives, les causeries spirituelles, les évaluations communautaires. Au regard du fonctionnement de toutes ces activités communautaires, nous pouvons comprendre que l’intelligence interpersonnelle est le principe de toute vie sociale et donc de toute activité sociale.