lundi 19 novembre 2018

Causerie sur la spiritualité du Cardinal (Père Alain Fontaine, M.Afr.)


1. DIFFICULTÉ DE PARLER D’UNE SPIRITUALITÉ DU CARDINAL !

D’emblée, disons qu’il a fallu attendre 100 ans (105 pour être précis) pour qu’un confrère - le Père Dominique Nothomb, enterré à quelques pas d’ici, dans notre cimetière - publie un livre au titre évocateur, en 1997 : « Le Cardinal Lavigerie, un maître spirituel ». Cette mention n’apparait pas dans tout ce qu’on a pu écrire sur le Cardinal. On va aussi montrer que dans tous ses écrits, il est plutôt discret sur cet aspect. On peut d’abord se demander pourquoi ? 

Le père Léo Volker, notre Supérieur général en 1958, a préfacé une petite brochure très intéressante : « Entretiens sur la vie intérieure du Cardinal Lavigerie ». C’était un premier essai, avant la parution du livre du Père Nothomb dont nous parlions à l’instant. Dans la Préface, le Père Volker explique : « On a écrit beaucoup de livres, de brochures et d’articles sur la grande figure du Cardinal Lavigerie, mais personne jusqu’ici n’a entrepris d’aborder sa vie intérieure, pour en montrer la richesse, la profondeur et les caractéristiques. Il y a, semble-t-il, deux raisons à cela. La première est que sa vie a été tellement riche en activités et œuvres éclatantes de toutes sortes, que celles-ci ont pu faire oublier la source intime où elles avaient leur origine. 

Les auteurs trouvaient une matière tellement vaste dans l’action du Cardinal, en des domaines très variés, qu’ils ont pu facilement céder à la tentation de ne montrer que cela ou presque. 

Père Alain pendant la causerie sur la spiritualité du Cardinal
L’autre raison est la grande discrétion du Cardinal pour tout ce qui concerne sa vie intérieure. Nous ne pouvons la connaître que par une étude sérieuse de ses écrits. Cependant, ils sont presque tous de nature administrative et n’ont pas pour objet principal la vie spirituelle et sa façon d’agir. C’est pour cela que nous sommes généralement assez bien renseignés sur son action extérieure que nous admirons à juste titre. Mais connaissons-nous assez la source d’où elle a jailli ? Nous risquons de rester à la surface et même d’avoir une idée fausse de cette grande personnalité en le prenant simplement pour un grand homme, en ce sens qu’il était doué  de qualités naturelles extraordinaires, mais en ignorant sa vie intérieure intense. »

Pour parler de la vie spirituelle du Cardinal, il faut donc chercher, il faut creuser, lire à travers les lignes. Lui-même étant peu disposé à en parler. Il était très discret dans ce domaine. 

On a aussi, sans doute, considéré un peu vite, que tous les textes destinés aux pères, aux frères et aux sœurs, des Instituts qu’il avait fondés, étaient des exhortations sincères évidemment, mais commandées surtout par la fonction. En réalité, on peut affirmer que le Cardinal y révèle plus qu’il n’y paraît, ce qu’il vivait lui-même.

Évidemment il a un style parfois emphatique, propre à cette époque… (Quand on exagère son expression, avec le ton, la voix, le geste). Mais, en fait, les insistances et les accents de conviction, témoignent d’une grande spiritualité. 

2. LA SPIRITUALITÉ, C’EST QUOI AU JUSTE ?

Avant d’aller plus loin, demandons-nous brièvement ce que c’est que la spiritualité. C’est quoi au juste ?

Jésus a promis que le Saint-Esprit nous conduirait « dans toute la vérité » (Jean 16,13), ce qui implique de prendre en compte les choses de Dieu et de les appliquer dans nos vies. À partir de là, le croyant fait le choix de laisser le Saint-Esprit prendre les commandes dans sa vie. 
La véritable spiritualité chrétienne dépend donc du degré auquel un croyant, né de nouveau par le baptême, laisse le Saint-Esprit le conduire et prendre les rênes de sa vie. 

Par conséquent, la spiritualité chrétienne implique le choix que nous faisons de « connaître et grandir » dans notre relation quotidienne avec le Seigneur Jésus-Christ, en nous soumettant au souffle de l’Esprit dans nos vies. La spiritualité chrétienne se développe quand un croyant fait constamment le choix de se soumettre au souffle de l’Esprit.

Alors il peut être intéressant qu’on cherche, dans les écrits du Cardinal, où il parle de l’Esprit-Saint et ce qu’il en dit. 

Il faut quand même remarquer, pour être honnête, que dans le catholicisme du XIXèmesiècle, le rôle du Saint Esprit est rarement évoqué. Si on lit attentivement « Les Instructions aux missionnaires », on ne trouve, sauf erreur de ma part, que 13 mentions à l’Esprit Saint. À la fois il est discret et cependant il en parle. 

L’Esprit Saint est mentionné 5 fois comme l’inspirateur des paroles de l’Écriture, une fois comme celui qui assiste le pape, il le nomme alors « l’Esprit de Dieu ». 

C’est encore ainsi qu’il désigne l’Esprit que reçoit un Évêque au jour de son ordination ; 5 mentions concernent son intervention dans la vie chrétienne : dans la prière, dans la charité fraternelle… Il parle aussi de l’Esprit dans le travail de l’éducateur chrétien, dans l’activité apostolique. Enfin, selon le Cardinal, c’est lui qui inspire et soutient le courage de tous les martyrs, ceux de jadis et ceux d’aujourd’hui. 

D’une certaine manière, nous avons une grande chance aujourd’hui car notre époque comprend mieux la place de l’Esprit Saint dans l’Église et dans le monde. On le doit sans doute à ce mouvement né en 1967, il y a 50 ans aux États Unis, à l’université de Pittsburg. 

C’est ce qui a lancé le renouveau charismatique. Même si on ne fait pas partie de ce mouvement, il faut bien admettre qu’il a permis un vrai renouvellement dans l’Église, dans le sens où l’Esprit Saint est beaucoup plus invoqué, on le connaît mieux, il dynamise et console l’Église. On comprend mieux ses fruits (cf. Galates 5,22) et on les demande. À l’époque du Cardinal on était beaucoup plus discret sur son rôle et sa place, chez les baptisés et dans l’Église. 

3. MAIS QUI EST LE CARDINAL ?

C’est un prêtre diocésain, marqué par ses formateurs qui, au départ, étaient Sulpiciens. Le charisme de cette congrégation, qui date du XVIIèmesiècle, c’est la formation des prêtres dans le cadre des grands séminaires. Leur spiritualité s’inspire des écrits d’un prêtre du XVIIèmesiècle, connu sous le nom de Monsieur Olier. 

C’est une spiritualité sacerdotale très élevée, visant à faire des hommes mûrs d’esprit et de caractère, avec une préférence marquée pour la vie apostolique. Les Sulpiciens vont former des générations de prêtres. Ici même au Burkina Faso, des Sulpiciens ont succédé aux Missionnaires d’Afrique, à Koumi, pour préparer les prêtres qui allaient former le clergé de la sous-Région Ouest Africaine. Jusqu’à une certaine époque, c’était le seul grand séminaire de la Région. 
Ils ont fait un travail remarquable à Koumi. 

Une spécificité de leur spiritualité, c’est de tout centrer sur le Christ et le Cardinal va retenir cela de ses formateurs Sulpiciens. Un jour il aurait dit à ses missionnaires, avec un grand sérieux : « Mes enfants, il faut être fou de Jésus-Christ, comme je le suis moi-même ! ». La spiritualité du Cardinal est devenue résolument christocentrique… au sens où le Christ doit être mis à sa vraie place, au centre. Tous les écrits, si l’on est un peu attentif, laissent deviner cette place centrale du Seigneur dans la vision apostolique du Cardinal. 

Quand le Cardinal ouvre le premier noviciat, le 18 octobre 1868, il y a 150 ans, il aurait dit au Père Vincent, un jésuite : « Des Saints, je veux des saints ! »
En fait, il se souvenait d’une parole de Monsieur Olier qui, en fondant le Séminaire Saint Sulpice à Paris, avait dit ceci : « Je veux que les prêtres entrent dans le sacerdoce par la porte de la vocation et qu’ils deviennent des saints pour que l’Église toute entière devienne sainte. » Cette petite touche montre que le Cardinal avait gardé de solides références au contact des Sulpiciens. Il n’était pas devenu Sulpicien lui-même, mais ces derniers l’avaient quand même beaucoup marqué. 

Même s’il n’a pas écrit de longs discours sur ce qui charpentait sa vie spirituelle, sur la source à laquelle il puisait pour entreprendre toutes les œuvres qui ont été les siennes, le Cardinal se laissait guider par l’Esprit Saint. Il n’avait peut-être pas d’élans charismatiques chaleureux comme certains en ont aujourd’hui, mais il laissait toute la place au Seigneur Jésus dans sa vie apostolique et laissait l’Esprit de sainteté et de force, le guider. À ce titre on peut reconnaître en lui, un authentique Maître spirituel. 

Quant à la charité, il en avait fait sa devise. C’est elle qui résume toute sa spiritualité. Quand il est ordonné évêque en 1863, il choisit l’image du Pélican qui nourrit ses petits de son propre sang. Une image eucharistique très forte. Curiosité : c’est une image qui va se retrouver sur deux autres blasons : celui d’un évêque de Mandchourie, une province à moitié chinoise et à moitié russe aujourd’hui, et aussi sur le blason du premier évêque d’Alger, Monseigneur Dupuch. 

En choisissant l’image du Pélican, Monseigneur Lavigerie voulait déjà donner une dimension missionnaire à sa vie et à son ministère. Son intention était claire : faire de la charité, dans le sacrifice pour les autres, le programme de sa vie. Il ne pouvait pas se réserver cela à lui seul. Il inculquera à ses missionnaires la même devise et le même programme. 

Ainsi, la spiritualité du Cardinal pourrait se résumer ainsi : Jésus-Christ au centre de ma vie, l’Esprit du Seigneur, mon guide, ma lumière et ma force, la Charité pour témoigner, partout où je serai envoyé, qu’il est Amour. Et une manière d’illustrer sa spiritualité, de la rendre crédible, ce sera le « Tout à Tous » de Saint Paul. 
On peut lire cette expression du Tout à Tous, dans la bouche du Cardinal, comme une transposition missionnaire de l’image évangélique du serviteur, qui fut l’option messianique de Jésus.

Aux yeux du Cardinal, la charité apostolique consiste à « aimer les âmes », c’était son expression, et « les âmes, on les recherche (c’est-à-dire qu’on les aime) non pas pour elles-mêmes, mais pour la gloire de Dieu » … Aimer les hommes dans ce qu'ils ont de plus digne, de plus précieux, de plus profond en eux : l'image de Dieu en eux. 

On dépasse ainsi tous les racismes et tous les préjugés sociaux ou culturels. On comprend mieux ici le pourquoi de sa campagne antiesclavagiste. Un tel amour, et lui seul, peut-être universel et rejoindre même le mauvais et l'ennemi. Hors de cette perspective, l'amour est toujours sélectif et partisan, intéressé finalement. Il se porte sur les « bons » (ceux de mon groupe) et se détourne des          « mauvais » (les autres). 

Aimer le prochain « pour Dieu », pour « la gloire de Dieu », c'est vouloir et agir pour que - de près ou de loin, d'une manière ou d'une autre - il s'ouvre à Dieu, il cherche et trouve Dieu, le « contemple », adhère à Lui dans la foi, tende vers Lui dans l'espérance, et communie à Lui dans l'amour. 

Caritas, la Charité, c’est vraiment le centre, le cœur, le résumé de toute la « spiritualité » du Cardinal Lavigerie.

4. LES GRANDS INTERCESSEURS DU CARDINAL

On ne serait pas complet si l’on ne mentionnait pas les grandes figures spirituelles auxquelles le Cardinal était très attachées, ses grands intercesseurs. Et du coup, ils sont devenus les nôtres aussi.

Nous avons dit que le Cardinal, à l’école de ses formateurs les Sulpiciens, avait appris à placer le Christ Jésus au cœur de sa vie. Mais il aimait aussi prier et se confier à plusieurs autres intercesseurs. Il faut placer en premier, la Vierge Marie, Notre Dame d’Afrique, mais aussi Saint Joseph, son époux et encore le grand apôtre Saint Paul. 

Pourquoi je ne cite pas Saint Ignace de Loyola ?
Dans « Les instructions aux missionnaires », on mentionne très peu Saint Ignace de Loyola. En fait, le Cardinal ne faisait que très rarement allusion à Saint Ignace de Loyola. Il est bon de préciser, écrit le Père Dominique Nothomb dans son livre : « le Cardinal Lavigerie - un Maître spirituel », page 21, que le Cardinal n’a jamais exigé que la retraite annuelle des missionnaires se fasse selon le modèle des Exercices proposés par Saint Ignace. 

Selon le Père François Renault, dans son livre sur le Cardinal, les prédicateurs de retraite du vivant du Cardinal, furent, après les jésuites, des Eudistes, des Lazaristes, des Capucins ou encore des membres de la Société. On n’était donc pas, à l’époque, abonné aux seuls jésuites et aux seuls Exercices ignatiens.

Si l’on veut donc résumer les grandes dévotions du Cardinal, il faut citer l’Eucharistie et le Sacré Cœur et la place donnée à ses trois intercesseurs privilégiés : Notre Dame d’Afrique, il la prie avec la simplicité d’un enfant ; Saint Joseph son époux, que le Cardinal invoque comme l’économe de Nazareth et le procureur de toutes ses œuvres, et enfin, les saints, dont Saint Paul, l’apôtre des nations, l’auteur du « Tout à Tous », qui résume si bien notre engagement missionnaire !

Rappelons que tout au début de l'histoire de la Société, nous nous appelions «Société des missionnaires de Notre Dame d'Afrique».

Nos confrères qui ont implanté la Société en Inde depuis 1990, l'ont nommée « Société de Notre Dame d'Afrique ». De son vivant, le Cardinal n'aurait pas accepté qu'on abandonne ainsi le nom de        « mission­naire » qui nous définit essentiellement. Mais, dans certains pays il est préférable actuellement de ne pas l'employer publiquement. Quoiqu'il en soit, la référence à Marie, « Notre Dame d'Afrique », a toujours été chère au Fondateur et à tous les membres de notre Société missionnaire.

Les textes de Lavigerie concernant Marie ont été souvent rassem­blés et recopiés. Reprenons-en quelques-uns. 
Le 8 décembre 1878, il déclarait : « l'Immaculée Conception, sous le vocable de Notre Dame des Missions d'Afrique, Patronne de la Société des Missionnaires ». Mais déjà avant, et souvent par la suite, il a exhorté les missionnaires à développer une fervente dévotion envers la Mère de Dieu. Dès 1876, il a voulu que nous réci­tions une prière commune à Notre Dame d'Afrique. 

En 1878, le sanctuaire de Sainte Anne, à Jérusalem, était confié à la Société. Certes, d'autres motifs que la dévotion avait poussé le Cardinal à l'accepter, et même à le rechercher. Cependant les considérations de piété mariale furent d'un grand poids dans cette décision.

Il est persuadé, et il l'a toujours été, qu'il n'a jamais pu faire aucun bien que par l'intercession et la protection spéciale de la Sainte Vierge dont il a souvent ressenti les effets d'une manière extraor­dinaire. Il croit que les Missionnaires d'Alger ne feront jamais rien que par son secours. Les placer près de son berceau, au milieu des souvenirs les plus douloureux et les plus sacrés de sa vie, lui paraissait donc un gage nouveau de succès pour eux, et comme la réalisation de l'espérance qu'il a toujours eue de les voir profondément dévoués à Marie et aussi soutenus par elle.

Si le Cardinal nous a placé sous la protection de Marie (fête du 8 décembre, rosaire autour du cou, chant du Sancta Maria…), ce n’est pas seulement pour l’image, c’est parce qu’il percevait que le recours à Marie est important pour ceux qui travaillent à l'évangélisation de l'Afrique.

On l'a souvent souligné, la plus grande richesse humaine en Afrique, ce sont les femmes, « nos mères et nos sœurs », disaient les évêques au Synode extraordinaire pour l'Afrique en 1994. Ce sont elles aussi qui souffrent le plus et qui sont les plus abandonnées, les plus privées de leurs droits. Travailler à la libération de la femme africaine et au respect de sa dignité, c'est contribuer à la venue du Royaume de Dieu. Or Marie est le modèle de la Femme selon Dieu. 

L'Afrique, dans sa tradition culturelle, a toujours vénéré la mère. Mais ne doit-on pas dire qu'elle ne l'a pas assez reconnue comme    « femme » ? Or, de Marie, l'Écriture dit l'une et l'autre. C'est saint Jean, qui jamais ne révèle son prénom, mais qui nomme Marie, à égalité, la Mère et la Femme. Puisse sa fille africaine être désormais honorée autant comme femme que comme mère !

La prière à Notre Dame d’Afrique a été récitée fidèlement par des générations de missionnaires, pères, frères et sœurs. On en a progressivement amélioré la formulation mais elle est tombée un peu dans l’oubli. Profitons de ce 150èmeanniversaire pour redonner à Marie, toute sa place dans notre apostolat et dans notre prière. 

Un autre intercesseur pour le Cardinal, c’est Saint Joseph. Ça va nous permettre de terminer cette causerie sur une note un peu plus légère. Pourquoi je dis cela, parce qu’on sait que le Cardinal se promenait toujours avec une statuette de Saint Joseph dans les poches de sa soutane. Pourquoi donc ?

Dans le livre sur la vie intérieure du Cardinal Lavigerie, on lit page 43, ceci : Sa confiance filiale envers le bon saint Joseph, il avait à cœur de la communiquer à ses collaborateurs ; au Père Burtin qui, angoissé, lui exposait les embarras financiers du nouveau Col­lège de Tunis, il conseilla sans hésitation : « Confiez-vous à l'économe de Nazareth et au patron des économes : pour moi, je ne l'ai jamais invoqué en vain dans mes heures de détresse.» Puis il s'enquit auprès du Père s'il avait sur lui une effigie du saint, image ou statuette. Réponse négative. Le Cardinal lui adressa alors de paternels reproches et prenant dans la poche de sa soutane une figurine de saint Joseph, en simple métal blanc, il la lui tendit avec ces mots : « Faites comme moi, mon cher enfant, et le pourvoyeur de Jésus et de Marie viendra à votre aide au plus fort de vos soucis ». 

Enfin, comme fondateur d’Instituts missionnaires, il ne pouvait pas mieux trouver comme intercesseur que l’Apôtre Paul, l’apôtre des nations. 

Dans ses directives, le Cardinal voulait, en proposant le « Tout à tous » paulinien, que ses missionnaires adoptent les habitudes extérieures des peuples vers lesquels ils seront envoyés : manière extérieure de vivre : langue, vêtement et nourriture…

Seul l'Esprit Saint peut nous acheminer, lentement et progressi­vement, vers cet idéal missionnaire. Le Cardinal Lavigerie nous l'a dit : « Le missionnaire est tout à tous, parce qu'il a dit au Dieu de tous : je suis tien tout entier. » Aucune technique, aucun « truc » seu­lement psychologique, ne peut réaliser cette acculturation à la manière paulinienne. Seul l'amour qui vient de Dieu peut, avec des hommes culturellement si différents - le missionnaire et les Africains auxquels il est envoyé - en faire des frères dont Jésus, Fils unique du Père, est le frère aîné. 

C'est pourquoi nous ne pouvons pas parler du « Tout à tous » de Saint Paul sans insister sur l'agapè, l’amour, dont il est l'un des fruits. 

Si nous voulons être fidèles au Cardinal, à l’école de sa spiritualité, il nous faut à la fois, prendre pour modèle la spiritualité sulpicienne qui met le Christ au centre de notre vie, prendre pour modèle la spiritualité ignatienne qu’il a choisi pour nous et qui nous enseigne à bien discerner, et enfin la spiritualité de Saint Paul qui nous invite, par amour, à être « tout à tous » ! 


5. LE CARDINAL LAVIGERIE, UN MAÎTRE SPIRITUEL

Nous pouvons dire aujourd’hui, sans nous tromper, sur la base de tout ce qui a été rapporté sur lui, par ses contemporains et au-delà, que le Cardinal Lavigerie est un authentique maître spirituel.

Il aimait se référer à Saint Augustin. On connaît la célèbre formule augustinienne : « Aime et fais ce que tu veux ! » Mais en fait, contrairement à ce qu'on lit partout, Augustin n'a jamais écrit cette phrase telle qu'elle vient d'être citée. Il aurait écrit plus précisément : « Aime. Et alors ce que tu veux faire, inspiré et poussé par cet amour, fais-le. » 
La pointe est sur le dernier mot : fais-le !!! Un amour qui ne produit pas un faireest vain. Le fondateur aurait aimé nous communiquer cette phrase d’Augustin, en la référant à sa devise : Caritas.

Le Cardinal nous invite à suivre une voie, celle de l'amour au service de l’Afrique et des Africains. Il nous donne un cadre précis, et des directives pour baliser notre route. Mais chacun peut maintenant se laisser conduire par l'Esprit, selon ses charismes propres et sa sensibilité spirituelle personnelle. Un tel sera plutôt ignatien, un autre sera plutôt « franciscain », qu’importe. Tout cela est bien, et ne nous écarte pas de la spiritualité du Cardinal. «Aime », c'est l'essentiel. Aime l’Afrique, aime les Africains, c'est aussi essentiel pour nous. Entre dans un cadre, même si depuis cent cinquante ans il a changé de forme. Accueille en toi le radicalisme du Cardinal fonda­teur. Ne te paie pas de mots. 

Prie Dieu en tout temps : « la prière... d'elle tout dépend ». Agis. Travaille. Donne-toi à Dieu et aux autres d'un même mouvement. Marche. Ne te laisse pas décourager. Ranime sans cesse la flamme. Cherche l'unité. Sois pour les autres un frère, et un compagnon. Accepte l'épreuve. Que la souffrance n'éteigne pas en toi le feu de l'amour mais l'attise. En tout, aime toute les « âmes » selon l’expression du fondateur, tes confrères et tous les peuples de l’Afrique, Marie, surtout Jésus, et en Lui : Dieu, ce Dieu qui te donne l'Esprit de la Mission, ce Dieu à qui tu dis : Tout entier, je suis à Toi.

Je vous remercie. 


Père Alain Fountain, M.Afr.



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