mercredi 6 décembre 2017

Homélie Fête Cardinal Lavigerie


Père Alain Fontaine, M.Afr.
Unité, Progrès, Justice ! Vous reconnaissez ! Il s’agit de la devise de notre pays, le Burkina Faso. C’est une formule brève qui indique un mode de conduite, un choix de valeurs !

Tous les pays composent une devise qui accompagne leur drapeau. Certains n’hésitent pas à se déclarer croyants à cette occasion, c’est le cas de l’Ouganda : « For God and my Country »… Pour Dieu et mon pays !

Les évêques aussi choisissent une devise et l’accompagnent souvent d’images dans leur blason… 

Notre Cardinal Lavigerie, que nous fêtons aujourd’hui, avait aussi sa devise et son blason. Oh, chez lui, c’était très bref, un seul mot : Caritas… La Charité, et une image qui remonte à la plus haute antiquité chrétienne : le Pélican.
Aux premiers temps du christianisme, on croyait que le Pélican perçait son flanc pour nourrir ses petits de sa propre chair et de son sang. Les premiers chrétiens y ont reconnu Jésus, en pensant à son sacrifice sur la croix où il a versé son sang par amour pour tous.

Le pélican est donc devenu le symbole de l’amour du Christ qui donne sa vie pour toute l’humanité, afin que tous aient la Vie. C’est aussi un symbole eucharistique très fort.

Un grand penseur chrétien, Blaise Pascal, a été frappé par cette image. Dans ses fameuses « Pensées », il fait parler le Christ sur la croix qui dit ceci : «  Je pensais à toi dans mon agonie ; j’ai versé telle goutte de sang pour toi. » 

Le Cardinal Lavigerie, parmi les fondateurs d’Instituts religieux, est un peu atypique. En effet, les règles des  Bénédictins, Dominicains, Franciscains, Camilliens, Jésuites, rédemptoristes… sont basées sur le style de vie de leurs fondateurs respectifs : Saints Benoît, Dominique, François, Camille, Ignace, Alphonse de Liguori… Ils ont développé leur propre style de vie et ont attiré des disciples à les suivre. Ce n'est pas tout à fait le cas pour les Missionnaires d’Afrique. Différemment des fondateurs de la plupart des familles religieuses, le Cardinal Lavigerie n'a jamais été un membre de notre Société. Il n’a jamais fait le noviciat ni prononcé le serment missionnaire.


Cependant, il a lancé deux Instituts missionnaires qui plongeaient profondément leurs racines dans le terrain qui les avait vu naître : l’Algérie, et c’est son expérience comme archevêque d’Alger qui a fortement marqué nos premiers pas et notre style de vie aujourd’hui.

Aussi, c’est un peu à tâtons que nous avons découvert le charisme que le Cardinal nous a légué au moment de son décès le 26 novembre 1892.

La vie du Cardinal Lavigerie illustre précisément la devise et le blason qu'il s'est choisis : La Charité et le Pélican. En arrivant à Alger, il s'adresse aux Algériens, musulmans, et leur dit ceci : « Je réclame le privilège de vous aimer comme des fils... » Et à l'évêché, sur les hauteurs d’Alger, il accueille des orphelins et fonde ses deux Instituts missionnaires.

Il exige de leurs membres, la même compassion, la même charité, qu'il a lui-même envers tous ceux et celles qu’il rencontre : Il écrit : « Pour que notre charité porte des fruits, il faut que nous voyions Notre Seigneur lui-même, dans toutes les personnes que nous approchons, que nous soignons, que nous enseignons et que notre charité et notre patience les frappent. .»

Lui qui n’était ni Saint Benoît, ni Saint François, va nous aider à formuler un charisme pour notre Institut et il va s’inspirer de sa devise : la Charité.

Le charisme formulé par le Fondateur, à l’intention des missionnaires d’Afrique, est un cadeau, un don, selon l’expression récente du Pape François. Ce n’est pas quelque chose qui nous enferme, nous limite, nous contraint… une sorte de cahier des charges,  une  feuille de route…  c’est plutôt  une orientation  pour  la tâche apostolique, une école de disponibilité, une invitation à prier l’Esprit Saint, le protagoniste de la Mission, qui distribue généreusement ses charismes pour la construction du Royaume.

Et dans les instructions qu’il donne aux missionnaires, il met en avant deux exigences : un engagement intérieur sans demi-mesure et une vie de communauté profondément fraternelle. Il leur demande aussi d’aimer profondément les gens à qui ils sont envoyés et de vivre avec eux, ce qui se traduit par un effort permanent pour s’immerger dans la culture des peuples. Cette attitude de respect dépasse largement la mentalité de l’époque.

Le ton est donné. Ses missionnaires, Pères, Frères et Sœurs auront une attention particulière aux musulmans. Alors que l’islam aujourd’hui connaît tant de soubresauts, interroge, étonne, ou même fait peur, les Instituts missionnaires de Lavigerie restent attentifs, prient et approfondissent leur connaissance de l’islam pour établir, chaque fois qu’ils le peuvent, un dialogue entre les croyants. Ils sont aussi attentifs aux adeptes de la Religion Traditionnelle.

Pour finir, j’ai envie de vous inviter, sinon à imiter cet athlète de la foi, au moins à retenir quelques traits qui illustrent sa foi, son espérance et surtout sa charité. L’évangile n’était pas un papier pour lui, c’était un ferment capable de faire lever toute la pâte. La statue qui le représente sur les hauteurs d’Alger aujourd’hui, le montre tenant fièrement le livre des évangiles. Un apôtre, un missionnaire, un homme de Dieu…

Comme Lavigerie, tu nous appelles Seigneur à aimer le monde où tu nous envoies…

Tu nous appelles à t'aimer
En aimant le monde où tu nous envoies;
Ô Dieu fidèle, donne-nous,
En aimant le monde, de n'aimer que toi.

Allez par les chemins,
Criez mon Evangile;
Allez, pauvres de tout,
Partagez votre joie.


Père Alain Fontaine, M.Afr.

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