La démocratie en Afrique : mythe ou réalité ?
Le dictionnaire LAROUSSE définit la réalité comme une existence concrète ; quelque chose qui a des traces vérifiables dans le monde phénoménal. Et pour nous, le mythe est un déphasage entre la réalité et le fait ; un décalage entre les principes théoriques et leur concrétisation effective. Mais le suspens se pose lorsque nous appliquons ces deux concepts (mythe et réalité donc) à la démocratie qui est un régime politique ayant la Grèce antique comme berceau et l’Occident comme nourrice. La souveraineté populaire est le fondement du régime démocratique : « Vox Dei, vox populi ». (…)
(…) un sujet d’actualité et surtout un sujet d’intérêt commun nous a rassemblés pour un débat ce soir. Il est question de « la démocratie en Afrique : mythe ou réalité ? » Est-ce qu’il n’y a pas de traces de démocratie en Afrique ? Est-ce que les principes et les exigences démocratiques sont réellement mis en application en Afrique ? Quels sont les facteurs qui expliquent le décalage entre les normes théoriques démocratiques et leurs pratiques en Afrique ? Et quelles sont les solutions qui peuvent être envisagées afin de donner une couleur particulière à la démocratie en Afrique ? (…).
Premièrement, sachez que la démocratie comme régime politique est une réalité dans les constitutions et dispositions légales de plusieurs pays d’Afrique. En effet, dans les années 1990, un vent de démocratie a soufflé sur l’Afrique ; cela a suscité beaucoup d’enthousiasme et d’espoir au sein des populations qui avaient tant souffert de la mal gouvernance. Et c’est grâce à cet évènement que nous pouvons lire ceci dans les constitutions actuelles de certains pays : au Burkina Faso, l’article 31 dit : « Le Burkina Faso est un Etat démocratique, unitaire et laïc. Le Faso est la forme républicaine de l’Etat. » L’article 30 de la constitution ivoirienne stipule que « La République de Côte d’Ivoire est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Etc. Etc. Alors, il est bien clair que la démocratie comme régime politique est une réalité dans les constitutions de plusieurs pays d’Afrique. En d’autres termes, la notion de démocratie est bel et bien gravée sur de jolis papiers soigneusement conservés. Cependant, qu’en est-il de son application ?
Deuxièmement, la démocratie est noble dans sa signification mais suscite méfiance et défiance dans son application. Il y a une inadéquation entre les dispositions constitutionnelles et leur respect ou leur concrétisation effective. Certains n’hésitent même pas à parler d’un échec, d’un fiasco démocratique en Afrique au regard des conséquences alarmantes causées par la mauvaise application de la démocratie. Les plus forts s’approprient la « chose publique » et nous assistons malheureusement à des modifications des constitutions pour des fins égoïstes, à des élections non transparentes, à la gouvernance des incompétents et j’en passe. Les libertés d’opinion et de conscience sont réprimées ; les opposants politiques sont réprimandés violemment. Et les ‘‘donateurs de la démocratie ou les gendarmes du monde’’ ne bougent pas le petit doigt. Oui, c’est dommage ! Les intérêts économiques passent avant la vie, la dignité humaine. Nous assistons à une crise de la démocratie. Et paf ! Voilà une multiplication exponentielle des coups d’Etat en Afrique. Une personne plus sage que moi disait que lorsque dans un Etat démocratique, on assiste à un coup d’Etat, c’est un recul. Maintenant, il reste à savoir si c’est un recul pour tomber ou si c’est un recul pour mieux sauter car c’est un moment où de grands et profonds changements politiques peuvent s’opérer. A propos de sa patrie, le professeur Laurent BADO dramatise parfois en disant que « le passé du Burkina Faso n’a pas été simple, son présent n’est pas indicatif et son futur est au conditionnel ». C’est toute cette panoplie de conséquences engendrées par la mauvaise application des normes démocratiques qui fait dire que la démocratie en Afrique est un mythe. Ka Mana, un philosophe congolais, évoque même six mythes de la démocratie en Afrique dans son ouvrage intitulé L’Afrique va- t- elle mourir ? Mais qu’est-ce qui explique l’échec de la démocratie en Afrique et quelles sont les solutions possibles à envisager ?
Troisièmement, la démocratie est un concept complexe. Plusieurs facteurs interagissent dans sa réalisation. En effet, il y a des causes endogènes mais aussi des causes exogènes qui la paralysent en Afrique car elle a des exigences comme l’instruction des citoyens pour qu’ils soient capables de participer aux débats publics concernant les affaires de l’Etat ; ou comme la participation effective des populations au processus électoral, etc. C’est face à ces exigences que le président CHIRAC avait dit en 2002 que « l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie ». Toutefois, la principale cause de l’échec démocratique est la transplantation de la démocratie occidentale en Afrique. Chaque nation, chaque pays, chaque continent a ses réalités. C’est pourquoi nous proposons une réforme de la démocratie en Afrique. La démocratie doit être le fruit d’un cheminement, d’un processus de délibération et d’expérience ; elle doit être dynamique et capable de répondre aux préoccupations des populations. Elle doit être en adéquation avec le contexte socio-culturel, historique, …du pays qui l’applique. Il est vrai qu’on ne peut pas appliquer les normes théoriques démocratiques à 100% mais des efforts peuvent être conjugués en synergie pour améliorer la démocratie en Afrique avec des ressources endogènes en vue d’un système démocratique spécifique. Des pays comme le Botswana et le Cap-Vert sont de bons exemples à imiter.
Au terme de notre analyse du sujet, (…) nous lançons un appel à tous d’y participer activement afin de relever ce défi pour nos pays, pays si chers à nos cœurs et pour redonner une couleur particulière à la démocratie en Afrique. Et c’est sur ces mots que nous mettons un terme à notre analyse sur un sujet qui ne saurait être clos. Vives les valeurs démocratiques, vive l’Afrique ! Je vous remercie !
TOUGMA Wenepouy Franck Wilfried (Philo-L3-ISPP/ML)
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